Les bois de Roset

Histoires de bois… par Monsieur Paul GOUNAND

Jusqu'en 1692, le bois « dit de ROSET » était une propriété seigneuriale.
Le 28 mai 1692 J. B. d'HEMSETRERITRE (orthographe non garantie) seigneur d'Antorpe, Fluans, Routelle – prêtre, chanoine et grand trésorier de l'Eglise métropolitaine de Besançon, d'une part – et Jacques Antoine de Bahot, seigneur d'Abbans, Villette, Roset, La Corne de Chaux, d'autre part, ont cédé une portion de la forêt communément appelée « Bois de Roset » (environ 500 journaux de l'époque) aux habitants de Fluans pour la somme de 3.060 frs, monnaie ancienne de la Comté.

Les seigneurs « comptent que la forêt restera en toute propriété aux habitants de Fluans et à leurs héritiers et ayant-droit, pour la convertir en tel usage que bon leur semblera ». Les cultivateurs, ayant besoin d'agrandir leurs terrains et la population augmentant, défrichèrent une partie de la forêt. Ils « essartèrent » (Débroussailler un terrain boisé par arrachage ou brûlage) D'où les lieux-dits : Les Essarts.

L'acte de vente a été dressé par le Notaire Royal de Saint-Vit devant les témoins suivants : Claude Gounand (qui a signé parce que sachant lire et écrire), Fagandet, Bontemps, Vianey, Maire, Fernand Greget, Morel et Donier (échevin à Roset).

En 1699 les habitants de Roset se plaindront de « lésion » puisque ne figurant pas à l'acte de vente et réclament leur « droit d'usage ». Ils seront associés dans l'acquisition par une transaction de 1707 faite sous la juridiction du Révérend Seigneur Abbé de Goille. A noter que en 1700, Roset ne comptait que 5 ménages et Fluans 16.

Par la suite, des différents eurent lieu entre les deux sections au sujet des limites de leurs territoires et du partage des coupes de bois. Si bien que Roset fit un progrès à Fluans, « lequel – dit le registre des délibérations à la date de 1819 – succomba, dans aucun temps les différents griefs qui ont divisé les deux communes n'ont pu être imputés à Roset ».

En 1824 les portions de bois étaient de 12 stères par feu (1 feu = 1 ménage). Le 4 juillet 1826, la liste de l'affouage est établie ainsi :
– 28 portions de 12 stères chacune à Fluans,
– 20 portions de 12 stères à Roset,
– 40 portions de 9 stères à La Corne.

Mais le 30 juin 1826 le conseil avait décidé que « les veuves ou les filles de mauvaise conduite qui vivront soit seules, soit scandaleusement entourées d'enfants illégitimes en bas âge, et toute personne qui sera reconnue pour faire habitude de vendre son affouage et de ne pas l'employer à son chauffage, ne participeront à l'affouage que pour une demi-portion ». Les registres n'indiquent pas si cette décision fut appliquée.

De la forêt, on ne profitait pas que du bois de chauffage. Avec les rejets, on pouvait faire des liens. Le 5 mai 1842, le conseil demande à l'Administration des Forêts l'autorisation « d'extraire dans la forêt dite du Frazillot, dans les coupes au-dessus de 5 ans, environ 30.000 liens pour les moissons ».

Lors de la grande sècheresse de 1893, le fourrage étant rare, les cultivateurs du pays eurent l'autorisation de faire pâturer leur bétail en forêt (fait raconté par les anciens du village). Je ne parlerai pas des autres produits, comestibles ou non de nos bois.


Depuis longtemps, des sections étaient mises en « réserves » afin de parer aux grosses dépenses de la commune. Au 19ième siècle, nous savons qu'elles ont permis de payer la construction de l'église (1845), de l'école (1871), d'une partie du pont (1897). Ce que beaucoup ignorent, c'est que le 27 février 1814, les conseillers municipaux de Fluans et Roset décident de faire couper du bois dans les réserves (6 arpents ¼ de bois taillis, soit environ 280 ares d'aujourd'hui). Le produit de la vente sera employé pour régler les charges communales subies ou restées en souffrance par suite des réquisitions des armées « étrangères ». En février 1814, elles faisaient le blocus de Besançon et une nouvelle armée de réserve allemande passait sur « notre territoire ».

La forêt de chaux était propriété des Rois de France ; c'était la forêt Royale de Chaux. Sous les deux Napoléon, on la désigne Forêt Impériale de Chaux.
Depuis la 3ème République, c'est la forêt domaniale de Chaux. Peu importe le qualificatif, c'est toujours la même forêt de 12.949 ha, l'une des plus importante de France.

Quand la construction de la saline d'Arc fut terminée en 1779, un régisseur était chargé de la faire fonctionner. Il fallait de grandes quantités de bois de chauffage pour faire évaporer l'eau de la saumure qui arrivait de la source de Salins par des tuyaux en bois (sapin). Aussi le régisseur faisait couper le bois par les habitants des villages riverains qui se partageaient ensuite celui qui n'était pas employé. C'est ainsi qu'en 1782, les « 36 feux de La Corne » se partagent 180 cordes de bois, soit environ 690 stères.

Les mêmes riverains charriaient également le bois par le chemin appelé « des saunières » qui allait du « bacq de Roset à Courtefontaine » ; au besoin, on réquisitionnait voitures et attelages (12 ventôse de l'an III).

Un arrêt du Tribunal d'Appel de Besançon du 3 floréal de l'an 8 (Avril 1800) reconnaît à Roset-Fluans les droits d'affouage à la forêt de chaux. Mais, nous ignorons la valeur d'une portion. Plus tard, l'Administration des Forêts veut en réduire l'importance. Mais dans sa séance du 4 février 1844, le conseil municipal réuni sous la présidence de son Maire, Monsieur de Bussières, décide de faire un procès à l'Administration des forêts au sujet de la Forêt de Chaux et invite toutes les communes riverains de Roset à Falletans à l'imiter. La commune a gain de cause et continuera à avoir l'affouage, soit 16,44 stères par feu.

 

 

Après l'emploi de la houille et la fermeture des salines (1890), les choses ont bien changé et les portions de bois ont bien diminué de volume.

Crédit photos : F.Parini